The French Connection ? : L'autodéfense pratique de Christmann

J'ai toujours pensé que le premier "traité" de canne était celui de Louis Leboucher en 1843. 

Pourtant, il semble que cette discipline ait déjà été enseignée avant lui. certes peut-être pas en tant que matière principale, mais sans doute en tant qu'annexe civile à une méthode militaire. 
On peu en effet soupçonner raisonnablement, avant même de l'affirmer que la technicité canné dérive du sabre militaire, voire aussi de l'escrime à l'épée de cour. 

Mais, aussi que, petit à petit elle adopte ses propres spécificités en fonction de son caractère particulier qui ne coupe ni ne pique... 

Et, là, je tombe complêtement par hasard sur ça... Deux planches dans un [ traité allemand multi-armes de Friedrich Christian Christmann de 1838.  ]

FCC (appelons-le comme cela) était allemand et originaire de Mayence. Il a été membre de l'Académie française d'escrime à l'Académie de Boulogne et a combattu dans les guerres de Naples dans la Garde impériale, une unité d'élite de Napoléon. Tout ce que l'on sait de ses phases dans les guerres, c'est qu'il "participa à de nombreuses batailles".

Parmi les maîtres d'armes éditeurs il occupe une place à part. En effet, Christmann avait un petit problème car il avait combattu "du mauvais côté", en tant que membre de la garde impériale française. 

Ce n'était pas en soi inhabituel. Tout comme pendant la guerre d'indépendance américaine, les Allemands combattaient de tous les côtés : pendant les guerres napoléoniennes, il y avait des Allemands à cheval pour les Britanniques dans la King's German Legion. Ils combattaient dans les armées d'une douzaine d'États allemands, aussi souvent les uns contre les autres que côte à côte. Les Mémoires de Jean Baptiste Antoine Marcellin de Marbot  mentionnent à plusieurs reprises la cavalerie alsacienne ne parlant pas un mot de français.

Le collaborateur de Christmann, le Dr Pfeffinger, rattrape ce faux-pas biographique  dans la préface de sa Theoretisch-Praktische Anweisung des Hau-Stoßfechtens de 1838 , qu'il dédie à la « deutschen Krieger ». Pourtant, on repère dans sa méthode des influences extra-allemande et une logique de type "gymnique suedoise" et se veut analytique, comme cette dernière.

Mais, mais, alors... aurait-il donc bénéficié des leçons en cours dans l'armée Napoleonienne ? Donc une méthode des années 1800-1815, voire avant si l'on considère les réformes de l'armée Révolutionnaire pour devenir la future armée Napoléonienne 
Sa "méthode" serait-elle inspirée de méthodologie française ? je me plait à 
rêver à ce fantasme ... 

Mais, bon, revenons à nos moutons... 

L'approche de Christmann au maniement du sabre est éminemment pratique. Alors que l'arme tranchante en tant que telle se retirait déjà de l'utilisation militaire comme champ de bataille ou arme d'autodéfense vers l'environnement plus réglementé de la salle d'armes et du terrain de duel (duel civil ou "duel d'étudiant"), sa méthode est purement antagoniste, visant à appliquer le sabre contre tous - épées blanches, sabres, baïonnettes, voire uhlans montés.
A noter, aussi, qu'il fait travailler des moulinet de sabre "sur les 4 faces"... ce qui renforcerait l'idée d'une influence extra-allemande peut-être ? 

Son annexe comprend quelques scénarios civils pratiques sur la manière de neutraliser un attaquant armé à mains nues ou armé d'une canne ou d'un bâton de randonnéeCe passage indique que le compagnon itinérant ou l'étudiant aurait pu être appelé à défendre sa vie ou son intégrité physique contre des camarades à l'air grossier ou des brigands de passage... 

On peut noter l'integration de techniques sans armes, en lien avec les techniques de canne, ce qui corrobore bien le mixage canne/boxe/lutte-torsions comme un tout-lié (voir le texte de début, ainsi que la planche 12, montrant clairement un début de renversement lié à une percussion du talon de la canne sur le visage)

Sources 

https://fencingclassics.wordpress.com/2011/12/06/the-french-connection-christmanns-practical-self-defence/

http://www.fechtsaal.de/media/blogs/de/christmann/Christmann_Anleitung_HauStossFechtens_l.pdf

Voici la traduction des quelques passages concernant la canne et le bâton

SELF DÉFENSE SANS ARME CONTRE UN individu ARMÉ D'UNE ARME NATURELLE OU TRANCHANTE

L'attaque d'un homme armé, alors qu'il lève son arme pour un coup particulièrement haut (Hieb), ce qui est habituel pour les escrimeurs non entraînés, soit sur leur fente (Ausfall), soit sur un pas ou un saut en avant, nous saisissons son poignet avec la main droite. Avec notre gauche, nous saisissons son arme près de la main et la tordons vers l'arrière hors de sa main. En même temps, nous utilisons la jambe gauche ou droite pour frapper le bas de son corps, son genou, etc., et sauter en arrière, en utilisant maintenant sa propre arme contre lui. (Voir l'image )


Si l'adversaire coupe à gauche, attrapez son poignet avec votre main gauche et désarmez-le avec votre droite.


DÉFENSE AVEC UN BÂTON CONTRE UN AVEC UNE ARME NATURELLE OU TRANCHANTE


Contre une coupe intérieure haute , exécutez une parade Prime ou Contra-Tierce avec une avance, une fente, etc. Saisissez le poignet de l'adversaire de l'intérieur ou de l'extérieur, puis frappez-le en travers de la tête, de la poitrine, etc. (voir figure 5)

Contre une coupe extérieure haute , parez d'un Tierce Parry puissant, avec avance ou fente, le poignet par l'extérieur et frappez-le où bon vous semble. Au lieu de la Tierce Parry, on peut faire une ramassieren de tierce, et couper dans l'ouverture de l'adversaire. (voir figure 9)

Après la parade de tierce, après avoir avancé ou poussé derrière son talon droit, vous pouvez aussi le saisir par le collet, ou le jeter à terre d'un coup de tranchant de la main dans la gorge, après quoi vous pourrez faire ce que vous voudrez.

Contre une coupe extérieure basse , avancez avec une parade de Seconde, saisissez le poignet de votre adversaire par le haut, et coupez ou poussez comme bon vous semble. (voir figure 11)

Contre une coupe intérieure basse, exécutez une parade Prime-Coupée avec une volte à droite et coupez ou poussez comme vous le souhaitez.

Contre celui qui vous attaque avec une canne épée ou autre à la manière des escrimeurs d'estoc, (…) on peut exécuter un saut ou Volte en arrière alors qu'il pousse et frappe en même temps sur son bras ou son poignet.

En annexe, le bâton (qu'il reste à traduire)

Cela semble très "méthode française", non ?