Ma réflexion d'aujourd'hui va porter aujourd'hui sur le sens de ce que l'on appelle une Méthode (en l'occurrence, une méthode martiale ou physique). 

Fondamentalement, une méthode est l'ensemble des savoirs, savoirs-faire, voire savoirs-être transmis par une structure (au sens le plus large) ou un enseignant (au sens le plus strict) à des apprenants. 
Une méthode est donc le véhicule, le moyen d'apprendre amis aussi le résultat visible et apparent de cet apprentissage. 

Une méthode structure un enseignement, qui est la partie invisible de l'apprentissage. 

Méthode : Ensemble de démarches raisonnées, suivies pour parvenir à un but.
Le but d'un enseignement est de faire comprendre et mettre en pratique certains concepts aux élèves et de développer leur désir d'en savoir davantage sur la matière considérée, de les rendre autonome, au final, sur celle-ci.

Enseigner, c'est désigner, en tant que représentant, les routes qui mènent aux formes supérieures du monde commun

Une Méthode est la construction intellectuelle d'un enseignant, qui modélise exercices (codifiés ou semi-libres), voire techniques formelles ou enchainements pré-arrangés, correspondant à sa vision de la pratique, issue de ses expériences et de ses rencontres. Les exercices libres devraient être la mise en application de la Méthode. 


Qu'est-ce que l'on enseigne ? 


On enseigne en tout premier lieu, et sans s'en rendre compte, son propre rapport, passionnel et conclusif, à la chose qui fait l'objet de l'enseignement.

Quel est cet objet ?

  • un ensemble technique utilitaire (selon le but de la Méthode - défense, spectacle, santé, etc...-) qui représentent les "dimensions de l'étude"
  • un ensemble technique illustrant des principes tactiques
  • un fil directeur technico-tactique 
  • des règles tactiques pour rendre fonctionnelles ces techniques
  • des exceptions spécifiques à chaque dimension
  • des passerelles entre les différentes dimensions
  • une idée principale qui harmonise toutes les dimensions
Il s'agit donc, au démarrage d'un travail académique ... et par la suite, la compréhension/expérimentation des exceptions

Le but est, à mon sens d'arriver à comprendre, réaliser et à exprimer, au final,  une mise en commun des différentes dimensions, comme un tout cohérent et "unique/unifié" 

Des mises en pratiques diversifiées - pour faire réfléchir l'élève et arriver à ce but - , sont les moyens secondaires nécessaires.

l'idée centrale éclaire l'ensemble des dimensions...


Respecter une cohérence culturelle.

Culture : un ensemble de savoirs et de pratiques qui se partagent et se transmettent socialement au sein d'un groupe donné
Ce point est important. 
En effet, et même si nous sommes dans une sorte de société mondialisée, où, qui plus est, dans le monde martial, les mêmes techniques (pour la plupart) se retrouvent partout, il faudrait prendre garde à ne pas faire une sorte de mix global indifférencié, sous prétexte de ressemblance. 

L'important, pour reprendre une référence, est donc de respecter "l'Esprit, le Verbe et la Forme" de chaque art martial (lié à ses pré-requis culturels). 

Proposer donc une Méthode Nouvelle, oui, mais issue d'une réflexion à partir de nos sources d'étude ou de l’Esprit de celles-ci et selon nos compréhensions culturelles .

Même s'il est tentant de mélanger Orient et Occident, nous serions bien plus honnêtes (avec nous-mêmes, avec les élèves...) en respectant chacune de ces sphères culturelles en les laissant clairement différenciées.
 
Pour présenter une méthode d'une sphère culturelle qui n'est la notre d'origine, sommes nous les plus légitimes ? Ne risquons nous-pas de proposer des idées et des concepts faux, car imparfaitement compris réellement, je dirais "culturellement". Nous comprenons sans doute bien mieux notre culture d'origine qu'une culture étrangère... 
Par respect pour celle-ci, ne prenons pas le risque de travestir une culture qui n'est pas la nôtre...

Pourquoi faire une Méthode ?


"Avance sur ta route, car elle n'existe que par ta marche." Saint-Augustin

Pour l'enseignant : Relier ses différentes expériences pour créer quelque chose qui lui correspond vraiment, résultat de sa compréhension personnelle.
Pour que toutes ses expériences, au départ diversifiées et multiples, et qui n'ont pas nécessairement de liens entre elles, deviennent cohérentes entre elles. Pour que cela fasse sens en lui. Pour que cela forme une matière unique, que tout soit lié. 
... et, donc pour que ce lui soit plus facile, plus évident, a expliquer aux élèves.

L'on peut reprendre l'analogie du tronc et des feuilles expliquée dans le Yoseikan Budo : l'important c'est le tronc, socle et support de la Méthode, et qui tient toutes les feuilles, excroissances variées, mais crées au moyen de la même base. 

Pour réfléchir par une autre analogie, architecturale cette fois, on peut se demander ce qui est le plus fonctionnel : Le loft sans cloisons, la maison de plain-pied avec couloir central desservant les pièces ou la maison de ville sur 2 étages ? 
Quel est le modèle qui permet d'avoir la meilleure vue d'ensemble permanente sur tous les espaces de vie ?

Pour l'élève : Avoir un balisage clair de la progression à suivre, ce qui lui permet d'avoir un point commun de discussion avec l'enseignant (on parle de la même chose !)

Ainsi, tout est relié par le tronc - le Concept central - qui nourrit les feuilles - les Dimensions, matières d'étude ou les variantes mineures - 
Le plus important est donc de le formaliser le plus simplement possible, de manière théorique et déclinable en pratique de la manière la plus claire et évidente. 
Ne pas se perdre dans des directions multiples, mais reprendre la même direction, par des routes diverses qui ramènent toutes au même point. 

Cette logique, je pense, n'est pas très éloignée de certains enseignements du 19e siècle dans les salles de savate, ou escrime, canne, bâton, lutte, education gymnique ... étaient enseignés conjointement. 
L'enseignant de ces salles devait, nécessairement avoir lié et lissé toute sa matière, ne serait-ce que par gain de temps d'explication... non ?

Pour ma part, et après bien des recherches, mon tronc central - ou mon ampoule - est ce que j'ai appelé l'Escrime Martiale : Une déclinaison des principes et du vocabulaire de l'escrime historique retranscrites et mises en pratique que ce soit avec armes ou à mains nues. 
Je pense, par cela, et à mon niveau de compréhension, m'inscrire dans une filiation historique et culturelle des AMF. 

J'ajouterais, qu'historiquement et dans le cas des arts martiaux français telles que les sources nous le transcrivent, l'enseignant, dès lors qu'il a été reçu enseignant (avec le titre de Maître ou de Prévôt) était jugé autonome dans son enseignement. il pouvait librement apporter des modifications sur les matières et dimensions qu'il enseignait. 

Cette liberté de créer n'a pas manqué de donner naissance a des écrits méthodologiques et techniques variés, ainsi que des controverses sur ces mêmes écrits, contribuant à l'enrichissement diversifié de ces pratiques. 

Sans créations et controverses, le risque qui peut survenir est l'immobilisme et la sclérose. C'est le pire ! De vivante, la Matière devient alors morte
Prenons le risque de créer... même si ce que nous créons est décrié.
Affirmons notre réflexion plutôt que nous conformer aux réflexions des autres !

Et, au final, au delà même de sa valeur réelle ou supposée, l'important n'est-il pas qu'une Méthode suscite l'enthousiasme et l'envie de pratiquer pour l'élève et l'enseignant ? Qu'elle soit stimulante sur le long terme ?

même eux le clament !