Préambule 

Cet article n'est que MA vision du travail possible dans notre projet de re-création des Arts Martiaux Français au 21e siècle. 

___________ 4 points pour une conclusion... 

1er point : Nous savons maintenant depuis les travaux de recherche des chercheurs AMHE et des chercheurs au sein de l'Amicale des AMF que les Arts Martiaux Français - [ tels que nous les définissons ici ] - sont composés de plusieurs Matières, tant à main nue qu'armées, issus pour une bonne part des méthodes militaires, formalisées par les structures d'enseignement de l'armée française, et, petit à petit, diffusés dans le monde civil, selon les besoins de celui-ci en fonction des époques de diffusion. 

Une part des enseignants avaient été formés au sein de l'armée française avant d'ouvrir des salles dans le civil, une fois leur période militaire terminée, et, donc, diffusait grosso-modo ce qu'ils avaient appris à l'armée, en l'adaptant à leur "nouvelle" clientèle. L'autre part des enseignants étant les élèves de ces mêmes Maîtres militaires ayant décidé d'ouvrir leur salle à leur tour, après leur période de formation. 

Le corpus avéré des sources utilisables est clairement centré sur la période 19e siècle et se poursuit, en gros, surtout jusqu'à la Première Guerre Mondiale, avec des survivances jusqu'au deuxième conflit mondial. 

Des traces anecdotiques peuvent se trouver dans des documents au 18e siècle, mais elles sont beaucoup plus rares. Assez peu sont l'expression d'une institution militaire centralisée, et encore moins traite des Matières "à main nue". 
Bref c'est plus compliqué d'en retirer une polytechnie claire (voir ci-après pour ce terme) pour la période 18e siècle.  

2e point : La spécificité des AMF et de l'enseignement de ceux-ci  - au moins dans le monde civil - est que l'enseignant est complètement autonome dans le(s) contenu(s) qu'il propose : dans les Matières qu'il souhaite enseigner, ainsi que dans ses méthodes personnelles d'enseignement. Pour l'enseignement militaire cela est sans doute un peu moins vrai (quoique les traités militaires dans leurs annexes destinées aux instructeurs et Prévots encouragent ceux-ci à faire preuve d'autonomie et d'initiative. Et le renouvellement des méthodes militaires prouvant, quant à lui, la recherche et la création laissée aux Maîtres par l'institution). 

Ce qui explique la variété des textes, leur forme et leur structuration, sur la base d'un fond commun toutefois. 

publicité pour la salle Raybaud et Souiris :
A minima 6 Matières enseignées ensemble...
La Polytechnie en exemple !

Les gestuelles, les pédagogies...  globalement (attention, quand on regarde de plus près, il y a des différences de forme... mais au service d'un fond commun) sont les mêmes - car issus du même point de départ militaire -, mais chaque enseignant avait à cœur de transmettre ce qu'il avait compris avec ses mots à lui, sa méthodologie à lui...
Toutefois tous n'avaient peut-être pas le même niveau de compréhension ni de pédagogie. 


Donc, tout cela a donné naissance à un formidable dynamisme qui s'est traduit par la création de formes variées et variables et autant de visages multiples d'expression, avec parfois même des querelles d'experts se répondant à coups de textes... ou de coups tous courts... 


Face à cette multiplicité, comment être certain de re-transmettre/recréer des AMF actualisés sans trahir la matière historique ? 

Et bien je pense qu'il faut s'attacher surtout à retransmettre le fond, l'intention et l'état d'esprit de cette pratique plutôt que s'attacher à la seule forme gestuelle des traités. 
Ce fond/intention/état d'esprit s'appelle la Polytechnie : La matière devrait pouvoir aller d'un prisme martial utilitaire (du létal militaire - peut-on enseigner cela de nos jours en "loisirs" ? - à la défense personnelle civile) jusqu'à une forme proto-sportive de travail d'assaut en salle (selon diverses conventions), et, ce tant à main nue qu'avec armes, au moyen de passerelles techniques, tactiques, pédagogiques et didactiques évidentes.

Ce premier niveau serait ce que j'appelle la recherche de l'Académisme Commun : Retrouver l'essence technique et intentionnelle qui a donné naissance à des formes et des méthodes.
L'étudier avec humilité est donc la base ]

Ressentir et accepter les sensations corporelles et la tactique liées à ces mouvements, ces formes de corps est essentiel pour construire ses fondements physiques et mentaux.
"forme de corps" : la manière dont notre corps se structure pour exercer un ensemble de principes qui permettent de donner son sens à un apprentissage physique. Mémoire corporelle (ou programmation corporelle) car ce n'est pas seulement une question de muscle mais surtout de coordination et de mouvements.


Mais, je ne suis pas un Intégriste de la Source. Pour moi, celle-ci donne un sens, des exemples, des directions de travail qui permettent de comprendre par le corps et par l'intellect la logique interne d'une activité, d'une arme, d'une méthode.

Là ou un chercheur puriste AMHE dirait qu'il faut s'attacher à n'étudier qu'une seule tradition ("sinon on mélange tout et le mélange c'est le Mal"), je dis, moi, qu'il faut, au contraire, les considérer toutes dans leurs points communs, les étudier ensemble, pour en extraire, en faire ressortir la substantifique moelle commune plutôt que leurs différences. 


Considérer leurs points communs et leur esprit de travail en synergie plutôt que les spécificités de l'une vis-à-vis des autres.
La fameuse Polytechnie des AMF 


3e point : Mais, on ne doit pas s'arrêter uniquement à ce qui est proposé par la source, en se disant "je ne vais pas plus loin, car Machin s'arrête là".  Un deuxième niveau serait de digérer tout cela pour le re-construire selon notre compréhension conjuguée à nos expériences. 


Notre rôle de chercheur AMF est donc d'interpoler - unir/unifier , au sens mathématique - les ressemblances, pour ensuite, en extrapoler - toujours au sens mathématique - une matière commune depuis un corpus de textes et d'illustrations qui peuvent paraître diverses.

Entendons-nous bien : Ceci n'est pas du tout une critique des chercheurs qui s'arrêtent au strict respect de la Source choisie ; Ils en deviennent des spécialistes et l'on peut alors s'appuyer sur leur travail pour gagner du temps dans notre propre recherche personnelle.  

Seulement ce n'est pas le choix que j'ai fait. J'ai choisi d'embrasser l'étude de plusieurs matières, pour retrouver ce qui les relie. 

Et, alors, transmettre une version personnelle et unifiée, en mon âme et conscience, en assumant ce que je propose comme étant ma compréhension. 
L'enseigner comme matière commune unifiée par ses liaisons. 

Si vous vous décidez à le faire aussi, nous sommes alors, selon moi, complètement dans l'intention des AMF : Adapter les matières à ce que nous sommes ; Créer pour soi-même plutôt que rester des clones de méthodologies écrites par d'autres. 


Je pense que l'exemple - historique - le plus frappant, oserais-je dire le plus "exemplaire", est la formalisation de la Méthode Naturelle, appelée aussi Hébertisme ] par Georges Hébert. Sa méthode est un chef d'œuvre de [ liaisons parfaitement intégrées ] et assumées ! 

Il y a aussi [ l'exemple de la Méthode Lafond ]


4e point : Au niveau pratique cela simplifie la transmission car tout se relie et tout ce que nous proposons est relié, car reposant sur des concepts unifiés et transférables

Que je propose escrime, boxe ou canne - par exemple -, je délivre d'abord les points communs que j'ai repéré (l'Académisme), avant de distiller, par petites touches, les spécificités de chacune (les Fourberies). 

Le cœur de mes cours repose sur ces points communs ; Souvent, plusieurs Matières sont enseignées dans la même séance (escrime + boxe, bâton + baïonnette, etc...).
C'est en ce sens que je dis que ce que je propose est histo-compatible : Ce n'est pas réellement historique (je ne transmets pas spécifiquement telle ou telle méthode historique), j'essaye de transmettre ce que cela pouvait être, au travers d'une gestuelle et d'exemples didactiques, de thèmes de travail qui sont les miens.

Cette histo-compatibilité n'est pas à confondre avec un phénomène voisin qui est le "pseudo-histo" c'est à dire le fait d'enseigner une discipline moderne ou modernisée avec un discours sciemment étudié pour donner à penser que ce qui est proposé est LA discipline historique - un habillage historicisé pour donner à penser que l'enseignant est le continuateur de telle ou telle Méthode - ; Cela se retrouve souvent dans les AMO où la filiation est un moyen souvent essentiel de légitimation des enseignements. 

Point cela n'existe en AMF ou la plupart (pas toutes) des méthodes sont disparues dans les faits, et où on le sait parfaitement (pas de tromperie à ce sujet) et où la vertu créative a toujours été encouragée (voir les points 1 et 2 de ce texte). 

Je ne prétends donc pas re-transmettre telle ou telle méthode historique, ni même transmettre un nouvel art martial (je n'ai aucune légitimité à ce niveau-là), j'affirme juste transmettre des outils de compréhension historiques, corporels et tactiques, sur les bases transversales que j'aurai intégrées et digérées, pour permettre à chacun de construite SON AMF personnel. 

Pour moi, le but des AMF est de retrouver, pour nous-même, cet état d'esprit martial "à la Française" (entre martialité totale, jeu traditionnel et proto-sport selon les moments et conventions proposées) que tous ces textes et leurs créateurs ont laissé à notre disposition. 

Que ma démarche plaise ou pas, soit comprise ou pas, elle est ici exposée pour que le lecteur cerne mieux celle-ci ainsi que son but global après un peu plus, maintenant, d'une trentaine d'année d'étude(s) et de pratique(s).