Le but de ce petit article est de faire un focus, sur, selon moi, ce qui différencie les Arts Martiaux des Sports de Combat, du point de vue de l'impact personnel sur le pratiquant.




Un préalable : pour moi l'Art Martial n'est pas lié à une activité particulière ; Le nom de cette activité particulière ne veut rien dire ; l'Art Martial est au-delà des noms, des formes visibles, des styles et des cultures.
Tous les Arts Martiaux, originellement et dans toutes les cultures travaillent toutes les dimensions (lutte, boxe, armes de différentes longueurs... liées et reliées les unes aux autres) pour former un pratiquant "complet";
Ce qui les différencie est le vernis culturel de leur pédagogie et de leur forme extérieure démonstrative.
Et ici, je parlerai surtout des Arts Martiaux modernes, appelé budo en japonais. Les bu-jutsu, eux, ont encore une expressivité différente.

Les Arts Martiaux sont essentiellement plastiques dans leur expression. Et visent à la plasticité du pratiquant.
Ils s'adaptent au pratiquant dans leur essence - au long de la vie et selon les mentalités de celui-ci; Son évolution personnelle aussi.
De fait : Il s'agit d'un espace d'expression, choisi en conscience.

Les Sport de combat, eux, imposent leur état d'esprit au pratiquant (règles, méthodologie, les autorisés ou les interdits de leur pratique..); Ils imposent leur vision "rentable premier degré par le résultat visible"; De fait leurs règles et le travail autour et en lien avec celles-ci, pour devenir plus efficient dans les limites de ces règles (ce qui est le but de tout entraînement sportif) entraînent un façonnage de la vision du pratiquant à la seule limite de celle-ci.
De plus chaque sport de combat présente un visage bien spécifique codifié par les créateurs des règles, ce qui a pour conséquence de ne garder que les pratiquants qui sont (ou deviennent) en accord avec ce visage. Chaque "chapelle" garde ses ouailles dans son seul "message"...
Que se passe-t-il quand le pratiquant Ă©volue ou n'est plus en phase avec la discipline sportive ? Il arrĂŞte, bien souvent.

Les Arts Martiaux ne servent plus à rien, dans leur essence première, dans une société globalement policée comme la notre : C'est pourquoi on peut y travailler de manière pure et désuète, pour retrouver l'état d'esprit ancien de la pratique, détaché de toute rentabilité immédiate... On peut y prendre son temps, à mesure de ce que l'on y comprend.
De plus, comme ce sont des disciplines fondamentalement plastiques et adaptatives, elles peuvent se modeler à différents contextes, en ajoutant ou retirant des éléments à leur cursus.
Ils vont du "travail sur soi" - physique et mental - à la defense personnelle, en passant par une sensibilisation (plus ou moins poussées) au combat de survie . Même fantasmé ou sublimé.

Ils peuvent mĂŞme devenir sportifs ou ludiques en en occultant certains aspects.

Ils peuvent être rugueux ou softs, car, comme le résultat est défini par le pratiquant lui-même, il le modèle à son image.

Les Sports de Combat, eux, ne peuvent pas ajouter plus que ce que leurs règles les autorisent - pragmatisme sportif - et donc leurs méthodologies induites. Sinon, cela devient un "autre sport de combat". Leur essence est de nous modeler à leur nécessité ; Ce qui est à mon sens un renversement du paradigme, qui, à la base est de nous rendre "plus libre" , dans notre corps, notre tête, notre esprit, notre relationnel à l'autre - qui peut passer du rôle d'adversaire à partenaire dans les Arts Martiaux, plus rarement dans les Sports de Combat qui ne conçoivent l'autre que comme un adversaire - .

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[ MAJ du 10 octobre] Un petit bémol, ajouté par mon pote Philippe, que je vous joins ici et que je complète :
Les Sports de Combat, par le fait qu'ils sont toujours liĂ©s Ă  un rĂ©sultat binaire "je gagne ou je perds", liĂ© au fait que la nature humaine d'une bonne partie de l'humanitĂ© vise Ă  remporter la victoire (c'est cet Ă©tat d'esprit qui a fait que l'homme, le plus faible des mammifères, sans griffes, sans dents efficaces a du developper les armes et devenir aggressif pour survivre et n'a pas disparu) sont des boosters d'efforts : En effet, pour gagner, il ne faut pas Ă©pargner son temps, sa sueur, ses efforts. C'est l'avantage du sport sur le budo. 

Les budo, par le fait qu'ils mettent en avant, parfois, une relativitĂ© du rĂ©sultat, ainsi qu'une emphase parfois trop grande sur la notion de partenariat, font qu' ils peuvent encourager une "certaine forme" de laxisme, voire de paresse (?) si la pratiquant n'est pas pleinement conscient des enjeux de ce qu'il travaille, et ne voit le budo que comme un "loisir-dĂ©tente". 
Donc, vigilance, comprĂ©hension, feed-back et implication extrĂŞme sont indispensables pour retirer les fruits d'un bon entrainement en budo... Sans cela il y a le risque de faire moins que le sport et de ne mĂŞme pas retirer les bĂ©nĂ©fices du sport... 
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Alors, certes, on pourra ajouter qu'il vaut mieux devenir un "bon spĂ©cialiste en peu", que "moyennement polyvalent (certains diraient mĂŞme : mĂ©diocre) en tout"... 
Je ne crois pas que cette vision soit un gage d'Ă©volution sur le long terme.
En tout cas, ce n'est pas une vision que je partage.

Si on essayait de devenir bon en tout ?
Et, sur l'espace d'une vie, on n'est pas si pressé, non ?