Note préalable : Cet article est ma réflexion du moment sur le sujet. Cela ne garantit pas que celle-ci ait pu être différente à un autre moment de ma pratique, dans le passé, ni qu'elle ne puisse pas se modifier dans l'avenir.
Pour progresser, ne pas se mettre de verrous au cerveau. |
J'ai toujours été un peu entre 2 mondes : Celui des AMF et celui des AMO - japonais principalement.
Dans les arts martiaux, globalement, 2 méthodologies d'apprentissage s'affrontent, ou, du moins, se présentent :
La méthodologie "classique" - plutôt japonaise, mais aussi je pense, occidentale à l'ancienne (avant les années... 1950 ?) - dans laquelle on apprend d'abord des formes techniques - modélisations de principes, que l'on juge idéales, "parfaites" dans un canevas stable que l'on peut appeler leçons, enchainements, gammes, katas, taos et autres poomse ou lankas... - , puis que l'on essaye d'appliquer - les techniques - à des situations instables (assaut, randori, kumite...) en espérant que les "leçons reçues" fonctionneront plus ou moins spontanément.
La méthode "moderne" (quoi que certaines disciplines historiques avaient déja cette modalité de travail) dans laquelle on apprend des principes forgés dans des situations mouvantes et chaotiques; Situations dans lesquelles on doit s'en sortir en faisant appel à une certaine forme d'inspiration personnelle mettant en jeu, en action, ces principes. Dans cette optique, l'assaut est la validation et la finalisation de l'apprentissage. Son moyen d'expression et de validité.
Chacune à ses avantages et ses inconvénients et représentent deux manières de gravir la même montagne. Mais dans une logique de développement des compétences elles ne sont sans doute pas équivalentes.
...Et, dans une perspective de travail à long terme, je pense qu'elles n'amènent pas les mêmes avantages.
Avantages et inconvénients des 2 méthodes :
la forme : (inventaire à la Prévert)
- avantages : gestuelle précise - gestuelle raisonnée - gestuelle sécurisante pour le corps (normalement) - pas d'urgence, pas de stress (si l'on veut) - modulable en intensité - praticable quelle que soit le niveau de physique - praticable sur le long terme - donne accès à de la complexité technique - esthétisme - notion de partenariat - travail de "l'arme réelle" (main nue ou armes) - théorisation "crue" de la "réalité"
- inconvénients : engendre de la certitude - parfois peu adaptée au combat réel - peut faire oublier la pratique sous stress/intensité - risque de s'endormir sur ses acquis - tentation du maniérisme.
le jeu : (inventaire à la Prévert)
- avantages : adaptée à la recherche de résultat effectif - confronte le pratiquant au résultat réel de ses actions - travail sous stress (adaptable) permanent - amusement et surprises - pratique sécurisée par "l'arme fictive" - aménagement sécurisé de la réalité mouvante
- inconvénients : engendre de l'incertitude sur ses capacités - stress permanent - souvent peu complexe, peu exigeant techniquement - travail sur les capacités physiques de base (le plus souvent) - risque de blessure par maladresse/inattention à l'autre - peu praticable sur le long terme - dépendant de l'âge et des capacités physiques - souvent peu esthétique - travail de "l'arme fictive"
La méthode moderne met directement en avant l'incertitude et le chaos, comme facteur d'apprentissage principal, voire premier - car l'objectif ultime est de gérer ce chaos - ce qui met le pratiquant, dès le début dans une situation difficile, voire stressante, l'oblige - souvent - à parer au plus pressé et met le résultat effectif comme centre "obligé" de sa problématique. Cela induit, je pense , une forme de mentalité particulière de l'étudiant pour lequel, le résultat concret étant le seul critère de validité des progrès, la forme devient secondaire. On est dans l'immédiateté.
Cela concourt à plusieurs inconvénients (selon moi et en ce moment) :
- la notion de forme "parfaite" n'est pas là et, donc on se content d'une forme approximative - du moment qu'elle répond aux objectifs concrets de reussite immédiate.
- les formes devant s'adapter, on tolère des écarts par rapports à une norme.
- ...mais en faisant cela, on peut ne se contenter, toute sa carrière, que de cet "a-peu près" qui marche.
- un niveau tactique : La forme proposée vise à éliminer/neutraliser le danger adverse sans que le pratiquant ne soit lui-même blessé par son adversaire - un idéal tactique ultime ! -
- un niveau corporel - qui rejoint dans une certaine mesure le niveau tactique - : le pratiquant ne doit pas se blesser lui-même pendant l'action : Sa dynamique, sa posture, son action doivent préserver ses muscles, ses os, sa mécanique corporelle...
Ce travail de force, en force peut même permettre aussi de réussir le mouvement immédiat dans une urgence mal appréciée, il est vrai, comme un coup de boost temporaire.
Mais l'âge venant, le corps s'usant, l'erreur ou l'approximation sont encore plus sévèrement sanctionnée, car on se fragilise.
- L'esthétisme n'est pas un asservissement à une forme qui se voudrait seulement belle, mais au contraire est le résultat d'une formalisation la plus idéale possible au regard des circonstances : Ce que l'on exprime le mieux possible, de la meilleure manière possible, sans ruptures, sans cassures, avec "grâce et fluidité" et prouve ainsi la justesse de notre action.
Alors est-ce qu'une de ces deux méthodes est meilleure qu'une autre ?
La méthode des formes, devant se recalculer, s'adapter dès que l'incertitude arrive, est sans doute plus lente à produire des résultats.
Toutefois, dans une perspective de pratique à long terme, la méthode des formes offre des avantages certains car sécurise toute la pratique : On sait où l'on va, comment on y va et ce que l'on rencontre en chemin. On peut donc s'y préparer au préalable en fonction de sa forme du moment, son état physique.
La pratique s'adapte à nous... ce n'est pas nous qui devons nous adapter à elle.
Comme la forme est connue, le résultat prévu est connu. Notre rôle est "juste" d'exprimer ce résultat dans un environnement que nous pouvons modeler à nous.
Alors, oui, certes, peut-être ne gagnerons nous pas, ou moins, ou plus, mais par contre nous aurons toujours la satisfaction de pouvoir pratiquer, à notre rythme et nos modalités.
Après tout c'est NOTRE pratique, non ?
Alors que faire ?
tiré de [ Toyota-kata ] |
Un aller-retour permanent entre ces deux dimensions, mais, toujours en considérant la réalité martiale - du moins, ce que nous en comprenons (discutons, lisons, réfléchissons sur ce sujet ! ) -
Nous n'avons qu'un corps pour la vie... Ne soyons pas obligé de nous dire "Ah, si j'avais su..."
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