Hier c'était jour de sortie de ma grosse canne lourde (un peu plus de 400 gr et 2,8 cm de diamètre) pour le cours mensuel à Dieppe Savate (Session 5 saison 2023-2024). 
Celui-ci était la suite du cours du mois dernier sur la canne symétrique, avec un prisme spécifique : le point de départ en garde passive. 

la garde passive est une position d'attente qui permet de réagir efficacement sans être directement "agressive/combative" en apparence. Elle est passive mais pas inactive ;). On est prêt à réagir à la moindre action adverse, et en cachant ses capacités de reaction (notion de piège, intégré dans ces gardes).   

La position de garde passive ne fait pas monter le niveau d’agressivité et n’envoie pas le signal "que vous savez ou êtes prêts à vous battre" tout en vous permettant d’avoir vos mains en protection en cas de besoin et d’être capable d’enchainer un contre rapidement.

Elle est l'équivalent occidental du [ iaïjutsu ] japonais 

Il est donc important de pouvoir travailler les techniques et les situations de combat dans cette position intermédiaire.

Nous avons donc tenté d'utiliser 3 gardes spécifiques comme point de départ : 

  • la garde de hanche
  • la garde d'épaule
  • la garde de marche

en réagissant (? - proagissant ?) sur une pyramide montante d'attaques : 1 attaque, puis 2, puis 3... avant de riposter par :
  • 2 coups percutés, soit en mode "crochet", soit en mode "coulissé", soit en mode "archer"... évidemment en combinant les modes
  • une clé, un désarmement ou une rupture d'équilibre. 
Des assauts contrôlés sont venus clore la séance chez certains.


Au-delà du cours quelques réflexions me sont venues : 

1/ Clairement, comme annoncé, nous étions dans une logique "défense" : Le paradigme spécifique n'est pas forcément facile à faire comprendre dans une société ou la canne est soit l'accessoire du "vieux/vieille personne", ou soit un outil pour un sport de compétition. En fait, à quoi ça sert d'apprendre et de réfléchir sur la canne comme outil de défense ?... surtout si, en plus ça servira jamais ? Ben, ma réponse est claire : Développer de nouvelles compétences et habiletés - à minima corporelles - variées et diversifiées. Rien que pour ça ça vaut le coup d'explorer des trucs différents. Et voir ce que ça nous apporte - ou pas ! -. RIEN n'est inutile, même si, à terme, l'on s'aperçoit que cela ne nous sert pas dans notre mode personnel !

2/ Le point le plus important, sans aucun doute possible, est la lecture de l'adversaire : Celui-ci envoie, peu ou prou des signaux sur ses attaques, par ses changements de posture, de mouvement de main, de regards, etc... qu'il nous appartient de décoder pour maximiser ses chances de ne pas se la prendre. C'est le coeur de la pratique, avec la stratégie/tactique liée pour riposter et finaliser. Le reste est une sorte de théorie amusante et fantasmatique... 

3/ les outils sont liés à la fonction : changer la fonction nécessite sans doute de changer d'outil. Certaines manœuvres spécifiques liées à certains concepts techniques ne marchent bien qu'avec un outil adapté à elles ; En l'occurrence une canne lourde et solide ; Comment travailler utilement une clé avec la canne quand celle-ci, avec ses 100/150gr casse à la moindre pression ? On ne pourra jamais trouver la sensation si l'outil ne le permet pas. Pour le dire autrement : l'outil ne nous transmets que ce qu'il est capable de nous transmettre. C'est pour cela qu'il faut varier ses outils et modes de travail.
Comment ressentir la dangerosité d'une percussion, si on travaille toujours protégé par casque, protège-tibias, gants, plastron ?  ... et avec une canne légère qui pardonne des fautes d'appuis et de déplacement, et pour laquelle la "sanction de l'erreur" est anecdotique ? Le poids ne fait pas tricher.

4/ Enfin, la pratique ne s'arrête pas à la fin du cours : j'oserais dire, pour paraphraser d'autres cultures martiales : "les AMF c'est comme le feu : si on ne l'entretient pas, il s'éteint" . Le rôle du pratiquant est donc de prolonger ce qu'il a vu lors d'une séance par une réflexion, une pratique supplémentaire, et en relativisant ce qu'on lui a proposé : Par exemple ne pas confondre exercice de développement d'une qualité avec technique utilitaire... Une grosse incompréhension de beaucoup de pratiquants; Aucun exercice n'est "inutile", il faut juste savoir/se demander/demander/comprendre à quoi il est utile !... pour séparer le grain de l'ivraie et voir ce qui correspond, à chacun, pour chacun... 
Une réflexion de tous les instants qui se nourrit de lectures, cogitations, pratique(s) personnelle(s) diversifiées - même si c'est, par exemple, uniquement de canne - pour augmenter son potentiel à son niveau...