Hier séance savate-def à Dieppe.
Parmi les discussions de fin de cours, et les points soulevés pendant, a été abordé la notion de partenaire d'entrainement.
Quel est le rôle du partenaire qui simule l'agression ? Comment doit-il agir ou réagir pour aider le pratiquant à progresser et acquérir les bons automatismes et discerner ce qui marche de ce qui ne marche pas... ou pas complètement, ou pas vraiment ?
S'est donc posé le problème de la conscience de nos actions, et du feed-back nécessaire.
Et ce point est particulièrement prégnant dans le cas de défenses complexes et/ou dangereuses pour l'intégrité du partenaire qui prête son corps à notre étude.
J'explique - selon moi - : Le public de la savate-defense est surtout souvent composée de boxeurs, ou se fait par l'intermédiaire de clubs de boxe... Donc des pratiquants naturellement sensibilisés à cet aspect de la pratique - la percussion -.
Un public qui connait, peu ou prou, la valeur d'une percussion, est censé savoir la doser et la cibler correctement.
A fortiori, il semblerait que la savate-défense actuelle mette l'accent sur un principe : On gère l'attaque, on percute et on part/fuit. Surtout à mains nues, en abandonnant, peut-être, le travail des armes... (et pourtant une défense qui ne prend pas en compte les armes ni le recours à celles-ci, ne deviendrait-elle pas châtrée, même dans notre pays pacifié - ou soit disant - ?)
OK...
Si la défense envisagée est la "percussion et fuite" comme moyen générique de gestion, sans doute que le feed-back sera facilité : La percussion, on la valide surtout si elle "touche", et comme on a un partenaire, on dose avec lui ce qu'il accepte de subir et, éventuellement on lui met des protections pour qu'il subisse moins fort. Et, ainsi on peut se dire qu'on a fait le job.
La percussion a-t-elle été réellement efficace ?. Cela, c'est un deuxième niveau... Mais, au moins c'est relativement facilement mesurable, sans nuire à l'intégrité du partenaire. Même de manière fantasmatique dans l'efficacité.
Autrement dit, ici, le partenaire peut être un mannequin vivant qui encaisse après avoir servi de prétexte...
Mais, si l'on commence à introduire d'autres dimensions techniques, cela devient insuffisant;
Le feed-back des clés, étranglements et projections est plus délicat. Tout ce qui est préhension ou trapping en somme
Car il ne peut se valider qu'avec un partenaire qui joue bien le jeu et donne des retours justes de ce qu'il ressent dans son corps.
Mais parce que, naturellement, l'on porte à l'entrainement ces techniques de manière mesurée et prudente - l'équivalent de la "touche" pour les percussions -, si l'on veut conserver son partenaire pour les prochaines séances... et parce que rajouter des protections ne sert à rien dans ces contextes précis, voire est néfaste pour la mise en œuvre technique - si tu projeté, le plastron fausse la préhension. Si tu mets des mitaines de MMA pour bosser, la clé de poignet devient difficile... - , on se rajoute des contraintes qui rendent ces dimensions plus difficiles à travailler que la percussion... et que la situation "vraie".
La situation "vraie" est, à minima, celle où l'on travaille sans aucune protection !!!
A l'entrainement, l'absence de toute protection apprend la précision, le contrôle, la prudence... voire l'attention au partenaire.
Et, dans le cas de travail sans protection, par la suite, dans une situation "réelle", les clés (surtout sur les doigts/poignets) et projections (sur un sol dur de type macadam) deviennent pertinentes.
Toujours difficiles à doser à l'entrainement, mais pertinentes en "vrai".
Paradoxe de la dimension Préhension
Après, il faut aussi comprendre que les clés et projections ne se placent pas de la même manière que les percussions.
A mon sens, elles se placent de manière opportuniste, après ou en même temps que les percussions (qui seraient le premier moyen de gestion), après ou en même temps que les dégagements de saisie... s'il y a saisie comme mode d'attaque.
La projection "pour la projection" ou "la clé pour la clé" ne se placent "de premier niveau" que dans des systèmes dans lequel les percussions ont été supprimées. Quand il y a possibilité de percussion, elles arrivent après... parfois elles sont impossibles à placer, aussi.
Mais, à l'entrainement, clés, saisies, projections doivent se travailler en temps que telles, pour correctement les maitriser.
On ne peut faire l'impasse sur un travail spécifique posé et debriefé avant de tenter de le placer en travail libre.
L'inconvénient de cette dimension technique (clés, étranglements et projections) est que pour la travailler il faut doser, pour la sécurité ; Ce qui peut modifier le ressenti.
( image non-contractuelle et d'illustration ) |
Une percussion légère peut donner l'impression que le "job est fait", pour le partenaire qui porte le coup (il a réellement touché, la distance était bonne, il y a eu "un peu de pression mais pas trop"...), mais une clé légère ou une protection ralentie encourage la compensation du partenaire, donc un mauvais ressenti et mauvais feed-back.
Combien de fois ai-je vu un partenaire, sur une saisie, ne pas avoir la bonne réaction , car, la clé ne lui faisant pas réellement mal, il la négligeait dans sa tête, et bétonnait en retour - par petite illusion personnelle de force, d'égo ? - ?
Sur une projection, douce, exprimer un retentissant "oui, mais si je fais ça, ça ne me jette pas par terre..." ... et, le plus souvent "oui, mais pendant ta clé/projection, je peux te frapper !, donc ça marche pas ton truc" montre, à minima qu'on ne mesure pas la dangerosité de la technique subie, de cette gamme technique.
Le souci des clés, étranglements et projections, c'est que c'est blanc ou noir; ça marche ou ça marche pas... La percussion c'est souvent gris - sauf à porter réellement la percussion sur un point incapacitant, mais à l'entrainement c'est difficilement envisageable sur son partenaire. On peut seulement simuler les percussions, en se donnant l'impression la plupart du que ça marche, - et s'en satisfaire - car il y a des éléments de surface mesurables.
C'est le ressort des sports de combat "à la touche" (boxe, escrime, canne, lutte dans une certaine mesure) : ce n'est pas handicapant - la technicité vraiment dangereuse est interdite et enlevée, voire méconnue - et le résultat est visible et mesurable sans réel danger.
Mais, est-ce que en vrai, ça marcherait ? Là est la vraie question à se poser à chaque percussion...
Dans l'apprentissage de la "défense", voire dans sa mise en œuvre, tout un pan technique ne peut que difficilement se mesurer de manière visible. Les clés et projections en font partie. Les réactions réelles sur point vital aussi (Pense-t-on réellement que l'on maintiendra une saisie forte, si on a subi un doigt dans l'oeil - comme moyen de dégagement par exemple - ?)
(Hier, par exemple, plusieurs fois, de la surprise (sic) a été ressentie en découvrant le premier niveau de dangerosité/douleur de l'étranglement en attaque ou de la clé de doigts/poignets en réaction... et pourtant on y allait cool)
En fait, nous sommes le plus souvent dans un jeu de rôle, plus ou moins codifié, car les techniques sont dangereuses si bien portées. Donc on les porte de manière juste mais mesurées, pour respecter son partenaire d'entrainement... qui en retour DOIT nous faire un feed-back juste, sans tricher.
Sinon, le rôle attribué au "partenaire d'entrainement" est faussé.
Un mauvais partenaire d'entrainement donne de mauvaises informations au pratiquant qui mémorise, donc, des choses fausses, imaginaires ou impossibles.
Le partenaire d'entrainement peut mal jouer son rôle aussi, volontairement ou involontairement, en réaction pour fuir la difficulté technique, l'inconfort ou la douleur.
Le partenaire d'entrainement peut, selon les consignes et les thèmes, avoir le rôle d'agresseur prétexte "qui se laisse faire intelligemment" ou d'adversaire "qui sait quand il a perdu ou doit lâcher l'affaire".
Dans tous les cas, un partenaire d'entrainement doit agir/réagir avec discernement, intelligence et être au-service de la progression du pratiquant. Le feed-back qu'il donne lui permet, aussi, d'engranger des informations pour lui-même. Il n'est pas là pour "gagner", juste là pour faire progresser l'autre.
"Tu es mon partenaire d'entrainement, mec ! Fais-moi des retours..." |
Le danger du feed-back et du ressenti faussé
Ceci, à terme, fait courir le risque pour les pratiquants de ne privilégier que le domaine technique que l'on maitrise le mieux, en faisant l'impasse sur ce que l'on n'aime pas ou que l'on maîtrise le moins.
Dommage, car au mieux cela équivaut à une perte de connaissances et de savoir-faire, au pire ampute les capacités de réaction possibles.
L'optionnel négligé peut s'avérer, parfois, l'option majeure qu'il aurait fallu faire.
TOUT ne se résume pas qu'aux percussions simples - même si elles sont, sans doute la réaction première à privilégier - mais qui ne sont pas l'alpha et l'omega de la tactique défensive !
Au-delà et en conclusion
Le rôle d'une méthode complète de défense est de donner à travailler tous les outils techniques possibles - percussions, préhensions, luxations, armes non-létales par destination - et comportementaux - travail posé d'abord puis sous stress progressif - , sans faire d'impasses par facilité, paresse, rapidité ou fainéantise, pour ainsi devenir un encyclopédiste de la défense, donner à chacun les moyens de faire son tri en conscience choisie et pas subie par un nivellement technique ou pédagogique - situations stéréotypées/codifiées, semi-libres, assaut à thèmes et libres, ateliers comportementaux -.
Rappelons, aussi, que l'élève ne peut pas mettre en action une technicité qu'il ne maîtrise pas correctement, voire qu'il n'aurait pas étudiée au préalable pendant un temps suffisamment long - la génération spontanée n'existe pas en matière martiale, tout simplement -. Ce temps dépends de chacun, toutefois, et doit être jugé par l'enseignant, par sécurité avant d'être mis dans le feu de l'action libre...
Enfin, la réaction et le feed-back justes, honnêtes et sans tricheries du partenaire d'entrainement est indispensable et vital pour la progression non-fantasmée.
Même dans une pratique non-compétitive, on peut le faire !
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